Plus d'une centaine de personnes était présente pour assister à ce Rendez-Vous dacquois qui mettait à l'honneur l’œuvre dense de la romancière Anne-Marie Garat et tout particulièrement son dernier roman « Le Grand Nord-Ouest ».
Jean-Antoine Loiseau modérateur de l'échange, en résumait en quelques mots l'intrigue et ne cachait pas son enthousiasme pour ce roman magnifique, ces belles pages portées par le souffle d'une nature flamboyante, celui du grand nord canadien et de l'Alaska.
Un western revisité
Anne-Marie Garat plante le décor et immédiatement le récit s'incarne et se déroule devant l'auditoire captivé. Lorna del Rio quitte précipitamment la Californie, on est dans les années 30, emmenant dans ce périple improvisé sa fille de 6 ans, qui constituera la voix off du récit. Cette manière de western donne l'occasion à l'auteur de revisiter les codes d'un genre éminemment masculin, exaltant les héros virils à la conquête des grands espaces.
L'auteure exprime avec jubilation son désir de donner un point de vue féminin à cette épopée tout en respectant les motifs attachés à cette littérature des pionniers.
Son débit file à vive allure et par le rythme soutenu de son verbe se dessinent alors les cabanes, habitat-symbole de ces premiers défricheurs de terre vierges , les cartes pour la plupart falsifiées qui égarent les chercheurs d'or, la nature, ni hostile ni pacifique mais personnage à part entière du roman , les indiens laminés par la prédation des Blancs … une fresque magnifique, terrible, charnelle, brutale, animale , un univers qui sert de décor à [son ]roman avec une perception d’aujourd’hui .
Ainsi il lui tient à cœur d'évoquer le sort des langues orales,de l'indianité une manière pour elle de restituer la vitalité d'une langue même si en voie de disparition et d'évoquer dans une métaphysique de la transmission les relations que nous sommes capables d'établir entre nous, entre le pollen, le papillon, le nuage, le caillou l' être humain , c'est en tout cas l'enseignement que l’indienne Kaska, personnage fort du roman , prodiguera à la petite Jesse.
Le roman d'Anne Marie Garat est pétri de son univers et de sa formation culturelle : le ciné club d'après guerre, (la ruée vers l'or de Chaplin, la silhouette de Betty Boop...) le roman populaire auquel elle rend hommage, les comics etc. .Le cinéma et la photographie l'ont autant formée, nous confie-t-elle que les lectures.
La licence romanesque
Anne-Marie Garat digresse allégrement, tout en tenant son cap pour nous indiquer avec force conviction quelle est son idée du roman de la licence romanesque.
Ce n'est pas l'idée qui préside le roman, le récit n'est pas là pour illustrer une idée, ce qui importe à l’écrivain c’est l’imaginaire, plus exactement la distance romanesque , ce que l'écrivain se donne comme droit, celui d'investir des lieux et de faire vivre des gens qu'il ne connaît pas.
La question du vrai, du faux , de la vraisemblance n'a pas lieu d'être. Il n'est point besoin d'être indien pour en parler . On doit pouvoir investir une altérité et en partager la profondeur ;
Tout lecteur décrypte, déchiffre dans le récit ce qui importe pour lui, ce qui déverrouille, éclaire, débloque et fait sens, fait écho à son intériorité, il s'agit pour le lecteur d'éprouver par la puissance de l'esprit ce que l'on n'a pas vécu . Nous sommes foule dans un livre …
Anne-Marie Garat achève sa passionnante intervention en évoquant la fonte du pergélisol en Alaska,et convoque l''image saisissante des troupeaux de rennes qui ont perdu leur piste. ..une mise en perspective qui fait résonner avec encore plus d'intensité et d'émotion cette éblouissante cavale à travers le Grand Nord ouest.
Écoutez un extrait de la rencontre
Enregistrement réalisé par Anthony Bacchetta avec le soutien de la