Le mercredi 9 novembre 2022 s'est tenue une conférence avec Jeanne Ashbé : "Des livres et des bébés : pourquoi ? comment ?", organisée par la bibliothèque de Dax en partenariat avec l'association Lire sur la vague.
La matinée a été introduite par Jean Delas qui a évoqué son parcours d'éditeur à l'Ecole des loisirs et son engagement actuel avec l'association Lire sur la vague qu'il dirige. Jeanne Ashbé a une formation en orthophonie et psychologie et se consacre essentiellement à son métier d'autrice et d'illustratrice, portée par les bébés et parents qu'elle côtoie.
Elle-même est maman de 5 enfants et a 6 petits-enfants !
Pourquoi raconter des livres aux bébés ?
Le développement du langage est un processus créatif dans les échanges et fait appel à tous les sens : vision, ouïe, toucher et doit se faire dans la joie. Le langage n'est pas l'apprentissage de mots répétés sur des listes : il s'apprend par la rencontre, la langue chantée, le rire, l'humour. Et tout cela, le livre le permet, simplement, idéalement de façon personnalisée, à voix haute. Dans la vie courante, c'est la langue exclamative que le bébé entend le plus souvent, pas de phrases construites, complexes. Si le tout-petit ne fait pas connaissance avec cette langue de l'écrit, du récit, de la narration, il aura plus de difficultés à l'entrée à l'école.
Le livre permet au petit une meilleure connaissance de lui-même, une maitrise de ses émotions. L'adulte sait ce qu'il raconte à l'enfant mais il ne sait pas ce que le livre lui raconte à lui. Le livre permet une découverte du réel étendu à l'inconnu (la neige, un animal qu'il n'a jamais vu...). C'est ainsi qu'il développe son imaginaire.
Le livre développe la capacité d'écoute et d'attention et permet à l'enfant d'anticiper sur ce qui va se passer au fil de l'histoire.
L'envie d'apprendre vient de ce temps de l'enfance ou on fait des hypothèses. Lire, c'est faire du sens. Pour les enfants Dys, un déchiffrage trop long ou une lecture à voix haute sont un supplice car cette approche est basée sur le son et non le sens.
Jeanne Ashbé, par ses observations et entretiens avec des professionnels et enseignants fait ce constat accablant concernant les écrans : moins de projections cognitives, peu d'exercice mental. Les petits peuvent dire en anglais les couleurs sur des applications mais ne savent pas faire de phrases. Il faut des mots pour penser ! Les adultes devant les écrans ne sont pas disponibles, pas présents avec et pour leurs enfants, ne les prennent pas sur les genoux pour lire ensemble : pas de partage, de rencontre, de dialogue. On mesure l'importance des crèches et les bibliothèques pour offrir aux enfants une "nourriture" de lecture s'ils ne l'ont pas à la maison.
Comment raconter aux bébés ?
Un bébé qui bouge n'est pas un bébé qui n'écoute pas ! Cela dérange les adultes et les bibliothécaires mais cette approche psychomotrice est essentielle car le bébé écoute avec son corps : ne pas le contraindre à ne pas bouger ! C'est en observant les bébés que l'on voit comment ils s'approprient le livre. Le petit est attaché à l'écrit même si ces signes, il ne les lit pas : il sait que c'est important. Ce qui n'est pas compris d'emblée les intéresse : ne pas remplacer les mots difficiles. Le cerveau d'un petit est programmé pour s'activer quand il y a des nouveautés. Dans une lecture, il prend tout, les mimiques, le rythme de la voix, l'intonation, le vocabulaire riche. Mais attention : pas trop de stimulation !
Choisir le bon moment pour la lecture et éviter juste avant l'arrivée des parents ! Laisser à l'enfant le choix du livre. Ne pas interrompre le processus de construction de sens par trop de questions, explications : laisser place au silence et au rythme de l'enfant, le laisser interchanger pendant la lecture, tourner les pages, le laisser explorer le livre même s'il le tient à l'envers !
Lui relire encore le livre qu'il redemande : Ce livre est son ami, il lui fait du bien, il apprécie de le retrouver avec la bienveillance de l'adulte et la joie de la rencontre.
Jeanne Ashbé a présenté une toute nouvelle collection "Les imagiers de Lou et Mouf", éditée à l'Ecole des loisirs qui compte une dizaine de titres.
Que peut-il bien se passer dans le jardin de Lou et Mouf ? Cet imagier sans texte met en scène les deux héros des tout-petits et leurs premières expériences de vie, pour échanger joyeusement et librement avec le tout-petit dans toutes les langues ! Des images pour se parler, source de plaisir.
Le babil concerne les bébés jusqu'à 4 mois. Toutes les intonations des langues sont acquises. Le tout-petit commence l'apprentissage du langage en pointant du doigt en interaction avec ses parents. Après les 11 premiers mois de l'enfant, les compétences d'apprentissage des langues commencent à diminuer.
S'il n'y a pas de rencontres humaines autour de la langue, il ne se passe rien. D’où l'importance de garder la culture initiale des parents à la maison, donner à l'enfant cette richesse interculturelle et la fierté de cette appartenance.
Une rencontre passionnante avec une autrice-illustratrice engagée qui a enthousiasmé la quarantaine de participants qui ont eu aussi la possibilité de se faire dédicacer ses livres.